RECONSIDERER LA NATURE DE LA VIOLENCE ET LES OBJECTIFS DE SON CONTROLE AVEC LA SCIENCE DES SYSTEMES AGO-ANTAGONISTES
(Résumé)
E. Bernard-Weil
I Axiome -

    La « bonne » violence est celle qui n'entraîne pas de déséquilibre entre les forces antagonistes, et qui les contraint alors à un résultat (agonisme) du type suivant : nouveaux concepts, nouvelles stratégies, nouvelles institutions, nouveaux rapports sociaux, nouvelles techniques. Les conflits non équilibrés, ou équilibrés d'une manière non équitable (cf. infra) correspondent à ce qu'on entend habituellement par violence. Cette « bonne » violence est un concept transdisciplinaire, on la retrouve aussi bien dans les organismes biologiques que dans les organismes sociaux (cf. E. Nunez).

II Le modèle de René Girard -

    Il suppose une société d'abord indifférenciée, où chacun est en lutte avec tous les autres, du fait de la rivalité mimétique. Un « progrès » serait dû au fait que le choix d'un bouc émissaire (roi éphémère ou groupe social, ethnique) permet de mettre fin à cette rivalité, alors entièrement polarisée sur le bouc émissaire. La théorie-pratique des sytèmes ago-antagonistes permet de modéliser cette dynamique sociale (une simulation sur ordinateur a été projetée).
La seule solution envisagée pour faire disparaître ce qui restait de « violence » est l'amour universel, la bonne réciprocité selon Girard, qui fait réapparaitre le stade primitif d'indifférenciation, où la rivalité est remplacée, ou mieux se transforme en relations d'amour fusionnel et de reconnaissance mutuelle (sans la présence de la « division constituante », propre aux couples de la systémique ago-antagoniste). Cette solution implique la disparition du modèle sous-jacent à la rivalité mimétique, et en particulier aux modèles dits dialectiques dont le modèle ago-antagoniste est un exemple. Leur condamnation vient de ce que les critiques (cf. une citation de Michel Serres) ne savent pas encore qu'il ne peut y avoir de système viable qui ne soit pas soumis à cette règle ago-antagoniste, et que le seul moyen de sortir des perversions socio-politiques en rapport avec la présence d'un bouc émissaire est de restaurer un modèle capable d'équilibrer les forces ago-antagonistes dans nos sociétés (et dans nos personnes).
Nous avons montré comment les totalitarismes de notre temps n'ont pas, malgré les apparences, renforcé la structuration politique par le bouc émissaire, puisqu'ils ont eu comme but la destruction totale du bouc émissaire et non plus seulement sa perpétuation. Même si l'indifférenciation par l'amour universel ne peut être mise sur le même plan que l'homogénéisation de la société totalitaire.

III Education et répression -

C'est un des principaux couples ago-antagonistes qui intervient dans le projets de lutte contre la violence. Tout le monde est d'accord pour avoir recours à l'une et à l'autre. L'erreur est d'ajouter: mais il faut privilégier la répression, ou, inversement, il faut privilégier l'éducation. Les résultats déjà obtenus en biomédecine et en socio-économie montrent que privilégier une des pôles d'un couple ago-antagoniste revient à supprimer tous les avantages d'une stratégie bipolaire. Elle régresse alors vers une stratégie unipolaire, centrée pratiquement sur un seul pôle, donc inefficace comme nous en avons la preuve  a contrario tous les jours.
Une analyse des plans jusqu'à présent proposés, et des suggestions quant à une stratégie alternative ont fait l'objet de développements.
Le "et...et" (et de l'Etat et de la société civile), voire le "davantage... davantage" que l'on avait entendus prononcer ici et là il y a deux ou trois ans, n'ont pas eu vraiment de suite. Pourtant, cette ébauche d'épistémologie politique demanderait à être approfondie - dans quelque domaine que ce soit.

IV Perspectives offertes par la systémique ago-antagoniste -

    J'ai commencé par parler d'un Congrès sur les "Thérapies Familiales" à Neuchatel auquel j'avais pris part en mars 2000, où l'un des intervenants avait proposé de traiter les politiciens de la même manière que ces thérapeutes savent le faire dans les groupes familiaux qui ne fonctionnent pas convenablement - quoique on ne connaisse pas encore assez bien les divers types de pathologie systémique qui peuvent survenir chez les premiers !
Sans adhérer à cette "stratégie", nous plaiderons pour la nécessité d'informer la classe politique et les decision-makers en général des concepts et des stratégies élaborées dans notre groupe Stratégies Paradoxales.
J'ai donc exposé quelques exemples de modélisation par le réseau ago-antagoniste miminimum (RAAM), car ce procédé a de grandes vertus pédagogiques: il comprend deux pôles dont chacun d'entre eux est lui-même structuré ago-antagonistiquement : au minimum, quatre « acteurs ».
- le premier exemple reflétait justement mes propos à l’une des tables rondes de Neuchatel, où je rappelais avoir formulé une modélisation ago-antagoniste de la psychanalyse (en 1987) où je supposais d'abord que le « symbolique » et l' « imaginaire » formaient bien un couple ago-antagoniste (antagoniste par leur opposition, agoniste par le résultat de leur équilibration qui est alors découverte du « réel »), puis que du côté de l'imaginaire on devait retrouver la même structure de base que du côté du symbolique (deux pôles unis-séparés par un troisième terme). Or j'ai trouvé une vérification indirecte de cette conjecture avec le Monde interpersonnel du nourrission, de Daniel N. Stern, que j'ai pu interpréter en ce sens.
- j'ai rappelé mon RAAM concernant les rapports souhaitables entre société civile et Etat, dans le cas des "35 heures" - une idée « sanctionnée » par le Conseil Constitutionnel - et plus généralement du paritarisme (on a oublié qu'il y a aussi un paritarisme à respecter entre les deux pôles principaux que nous venons de citer).
- et le même schéma, "tiré" d'un travail d'un historien (Daniel Roche), sur les rapports de l'économie du mécénat et de l'économie classique.
- enfin, la voie était ouverte sur la présentation de deux RAAM concernant la lutte contre la "mauvaise" violence (voire le renforcement de la "bonne").
 

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