An 2000

Des faits de violence ... de leur catégorisation ...

    Notre être en tant qu'être (acceptons cette façon de dire ...), autrement dit cette inconsistance que l'on ressent en soi sans en pouvoir « dire » explicitement les constituants (organisation et complexe subtil de faiblesse, de méchanceté, de remords, d'énergie, de lâcheté , d'amour, de lassitude ...), n'accède pas à des faits et à leur représentation objective, mais à des multiplicités (indénombrables et globalement présentées). Ces multiplicités, ces « touts » qui ne peuvent être « comptée »; tiennent plutôt de surgissements spécifiques, contingents, hiératiques et fondent ce monde phénoménal d'inconsistance auquel nous avons tout naturellement accès.

    A l'opposé, notre être en tant qu'être est absent du « champ », plus commun, constitué de la somme (comme des briques) des faits rapportés, des choses données, des informations perçues, des événements racontés, de notre environnement. Là est plutôt l'espace de ce qui se compte et suit la logique du « + 1 ». C'est le lieu des savoirs, des « choses utiles » à notre survie et destiné à des êtres réduits à une dimension !.. C'est encore un lieu défini, non ambiguë, informatisable pourrait-on dire, le lieu de boucles récursives, infinies.

    Tout se joue dans le rapport de notre être en tant qu'être et de ce qui n'est pas lui. L'un se déploie dans ce monde des multiplicités, l'autre n'est que RE-présentations d'une certaine réalité. Le problème est de savoir comment agir sur le monde (au sens d'une praxis) dans de telles conditions ?

    Nous savons d'expérience que ce n'est pas parce que nous faisons des listes, des sommations, des statistiques, à la suite de regroupements et catégorisations que nous avons préparé « les voies du seigneur », à savoir que nos actions sont nécessairement couronnées de succès. Tous ces faits rapportés avec minutie et dont nous sommes parfois témoins, en dépit de toute la scientificité (calcul et optimisation) qui leur est attachée, manquent très généralement leur but. Ce n'est pas parce que nous avons rassemblé le matériau nécessaire à notre soi-disante compréhension (celui de notre être en tant qu'être) que nous allons décider opportunément d'une action sur le monde, monde dont à vrai dire nous ne disposons que d'une modélisation approchée. C'est Paul sur le chemin de Damas ! ...

    Autant cette catégorisation est utile pour INFORMER, on pourrait dire pour « mettre en forme ou en conditions » le sujet (celui qui observe) de tous ces événements (violence ou autre), autant leur manipulation « machinique » échoue à nous faire accéder au « niveau d'exigence » des multiplicités auxquelles notre être accède pourtant si aisément ( avons-nous des difficultés à voir un objet et sa face cachée, un autre être et « la noirceur de son âme » ?...)

    Le problème étant posé, alors que faire? (célèbre apostrophe), du déjà dit ...

    Au delà d'un travail sociologique nécessaire, souvent ardu et débilitant, de découpage et de mise en ordre , il faut se colleter « la face nord de l'Eiger » : c'est-à-dire concentrer un effort de réflexion sur le mode de passage du niveau des catégorisations d'où l'être en tant qu'être est absent (comme nous l'avons vu , ce n'est pas son niveau d'opérationalité - lieu à partir duquel sont décidées des actions) à la sphère de ces multiplicités au milieu desquelles, nous les humains, jouons, et jouissons, avec tant d'aisance! - C'est un passage qui doit s'assortir d'un saut logique, d'un « saut qualitatif brusque » pour emprunter le langage marxiste : en effet, il y a bien rupture entre le système de catégorisation et le système d'émergences qui en est issu (les multiplicités). Notre action sur le monde se détermine dans cette fournaise interne des émergences (voir en annexe 1 les caractères de la notion d'émergence) vers lesquelles il faut trouver une loi de passage.

    Pour cela, selon A. Badiou (L'être et l'évènement page 38) un « système d'axiomes » est à construire. Il s'agit d'une présentation d'axiomes qui nous donne les règles de maniement de ces multiplicités (indéfinies par définition). Ce ne sont pas les faits qui, dans une patiente et vaine collection, pourraient constituer notre savoir sur une approche de l'être et nous renseigner sur son mode de rapports aux choses. Kant dit : « La connaissance ne se règle pas sur les objets mais ce sont les objets qui se règlent sur la connaissance » (voir annexe 2). Une connaissance sur le fonctionnement de la violence ne peut résulter que de l'analyse des conditions de ces expériences nécessairement organisées dans un ordre. Les conditions de cet ordre sont, précisément, les catégories. Il faut donc pouvoir procéder à une déduction à partir de ces catégories (en les appliquant à chaque mode d'expérience) pour pouvoir tisser des liaisons et définir, ainsi, les conditions de ce passage . Ces opérations sont appelées « fonctions d'unités » ou mode de création de concepts. Concepts qui fondent ce qu'on a appelé plus haut : axiomatique.

    Je sais, je sais ... soyons pragmatique! mais c'est bien en ignorant la complexité de notre démarche de pensée : intuition, concepts, idées, que l'on s'adonne à l'analyse naïve des faits par la compilation, aidée de la machine. Mais cela ne « blanchira » pas notre laxisme. Comme il ne s'est pas, non plus, agit d'un choix, scientifiquement retenu, pour l'empirisme (ce qui aurait été tout à fait honorable) il ne reste plus qu'à cumuler les expériences de violence en souhaitant qu'on trouve un jour « l'oiseau bleu » à moins que notre espoir finisse par s'affadir aux côtés des muses machiniques. La violence est certes un problème de notre temps, problème complexe! mais qui ne l'est pas puisqu'il nous interpelle ? et nous conduit à ouvrir un peu plus notre esprit au risque de se perdre un peu plus. Le signe de changement que nous apporte cette violence est peut-être là : comprendre que notre esprit, comme cette pierre de Sisyphe, s'enrichît à chaque fois qu'on la remonte. C'est la connaissance sur la connaissance de la violence.

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Annexe 1

    Les émergences, qualités nouvelles , sont en même temps les qualités phénoménales du système. Les qualités phénoménales (et donc le émergences) d'un système sont indéductibles logiquement : il s'agit de fait objectif (pour chaque observateur)fait qui n'est pas issu de l'expérience et donc, dont on ne peut induire des lois.

    Rappel :
- Le rationalisme postule : « possibilité de connaître la structure de la réalité à partir des purs principes de la pensée - l'ordre logique du monde rend possible sa connaissance DEDUCTIVE
- L'empirisme « le fondement de la connaissance se trouve dans l'expérience sensible - ne sont réels que les objets singuliers et les phénomènes (objets extraordinaires) - le juste usage de la raison peut les ordonner et en tirer INDUCTIVEMENT des conclusions ».

Annexe 2

    Les 6 systèmes orthodoxes de l'époque classique reconnaissent l'autorité des Veda. Le système unifié se caractérise parla constitution d'une théorie des catégories. Les 7 catégories sont :
- Substance
- Qualité
- Activité
- Relation de communauté
- Relations de particularité
- Relations d'inhérence (relations entre les parties reliées nécessairement) - Non - être.

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Comme pour son maître Platon, le concept occupe chez Aristote un place de choix : seul le concept peut définir une catégorie. « Les expression sans aucune liaison signifie la substance, la quantité, la qualité, la relation, le lieu, le temps, la position, la possession, l'action, la passion ».

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Pour Kant il s'agit de soumettre la faculté de connaître à un examen critique. En d'autres termes comment accéder à des jugements synthétiques. Pour cela Kant va chercher à mettre en accord les deux modes d'accès à la connaissance :
- la réceptivité de la sensibilité (ce qui ne fait que recueillir) ==> l'empirisme
- la spontanéité de l'entendement (ce qui organise) ==> le rationalisme.
Les stades de la connaissance pour Kant sont : « toute connaissance humaine commence avec les INTUITIONS, passe de là au CONCEPTS et s'achève avec les IDEES. » La structure de cette approche se fait de la manière suivante

    1.-THEORIE DES ELEMENTS

    1.1.-L'ESTHETIQUE (examen du caractère intuitif de l'espace et du temps)
« toutes les choses que nous intuitionnons dans l'espace et dans le temps ... ne sont que des phénomènes, c'est-à-dire de pures représentations ».

    1.2.- L'ANALYTIQUE

    1.2.1.- ANALYTIQUE DES CONCEPTS (examen des éléments de l'entendement - les catégories - donnés a priori)
===> les catégories sont nécessaires pour ordonner les expériences sous l'unité du sujet (et parfois davantage sous l'unit » de l'objet). On applique ces catégories aux intuitions pour leur donner un usage empirique. Cette déduction peut se faire :
- soit suivant les formes de jugements logiques
- soit en se fondant sur « l'unité synthétique du divers dans l'aperception (prise de conscience réfléchie de l'objet de perception) Le fondement de cette fonction d'unité (qui est toujours le « je pense »)es a l'origine des CONCEPTS

    1.2.2.- ANALYTIQUE DES PRINCIPES (examen qui relie concepts aux intuitions)
La capacité de sujet selon Kant, c'est ce qui rend possible de subsumer les différentes intuition sous des concepts généraux. Pour cela, à chaque catégorie est associé un schème.
QUANTITE : le nombre, séquence temporelle
QUALITE : degré de remplissage du temps, de la réalité jusqu'à la négation.
RELATION : l'ordre temporel (permanence, succession, simultanéité)
MODALITE : se détermine par rapport au temps lui-même, suivant qu'une chose est dans un temps quelconque, dans un temps déterminé ou dans tout temps ...

    A partir de là s'élabore le SYSTEME des PRINCIPES qui définit sous quelles conditions l'expérience est ,, a priori tout fondement de la connaissance scientifique.
- les axiomes de l'intuition
- les anticipations de la perception
- les analogies de l'expérience
- les postulats de le pensée empirique
Tous ces propices structurent le champ de l'expérience objective possible.

    1.3.- LA DIALECTIQUE

A suivre .....

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    - Bien des démarches actuelles contiennent l'idée qu'il existe des structures claires derrière les éléments complexes qui s'offrent à notre expérience.
- Quand la routine tombe en panne, la clarté disparaît et des idées, des perceptions, des sentiments étranges émergent...
- Platon pensait que le fossé entre les idées et la vie pouvait être comblé par le dialogue, non pas un dialogue écrit mais un échange réel ... Un agora c'est peut-être un début ??
tecte en route avec B.Balcet pour le FORUM afscet-café (16.02.00)

    Dans les projets de changement, malgré les discours, la dimension humaine est toujours prise en compte ultérieurement, la priorité étant donnée au "technico-organisationnel". La pratique d'internet, en entreprise, requiert nécessairement l'appréhension de l'idée de réseau par les acteurs. Dans ce cas, le changement organisationnel va passer, naturellement a priori, par la dimension humaine (acquisition du « sens réseau »). L'aspect purement technique d'internet reste tout à fait second.

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Pour son fonctionnement, le groupe essaye de s'en tenir à trois principes :

    1.- Toute organisation est appelée à se dégrader. Il faut donc chercher, de manière constante, à veiller à ce que les conditions de sa régénération soient efficientes.(l'entropie c'est comme l'inconscient, on y crois ou non ... et on agit en fonction.!)

    2.- Un groupe n'existe que par le tissu d'intreactions qui se constitue entre ses membres. Une preuve de son existence peut se trouver dans les effets d'émergence qui apparaissent à un observateur extérieur : c'est l'agir. 3.- Le groupe ne s'autorise pas à enseigner la systémique comme s'il s'agissait d'un fondement idéologique. Il s'organise, par contre, de manière à créer des conditions d'apprentissage à la faveur d'événements qu'il reconnaît comme étant l'oeuvre d'hommes et de femmes vivant au quotidien.


Pierre Marchand, 2000 ; édition du 25 octobre 2002.